Une journée où Binh-Dû met le nez dehors. Pas seulement à sa fenêtre
pour prendre note de la vie du cerisier ; il descend dans la rue, il
dérouille les mauvais plis de ses articulations, il s’en va acheter des
yoghourts. Toujours tant et tant d’aventures en promesse ! À l’aller son
sac à dos est vide mais ses pensées l’encombrent. Au retour, un immeuble en
construction a gagné un étage mais on s’en fiche un peu, même si un vieux en
casquette s’est arrêté pour inspecter le chantier. Le ciel est rare en ville,
on le sait, on bronze moins.
Et c’est tout ? Est-ce bien un ballon que Binh-Dû aperçoit dans la
contre-allée jouxtant l’école ? Est-ce bien un chœur d’enfants qui
l’apostrophe, invisible derrière la grille sécurisée ? Monsieur,
Monsieur ! Merci beaucoup Monsieur, vous êtes très gentil ! tandis
qu’il expédie d’un shoot parfait le ballon par-dessus l’enceinte. Est-ce
tout ? Dans leurs vies d’enfants réduits à ne jouer dehors que pourvu
qu’ils restent enclos, l’interaction est insignifiante. Binh-Dû est un peu vexé
d’avoir été vouvoyé et traité de « Monsieur ». Il plonge son nez dans
le frigo.