vendredi 18 mai 2018

18 mai

Que le premier geste de sa journée consiste à écraser d’un claquement de paumes un insecte volant, voilà qui n’augure rien de bon pour Binh-Dû. Immédiatement en débit de mérites. Dans la salle de bains il médite là-dessus, encore embrouillé par la pelote de rêves désaccordés qui le relie à son lit, d’emblée outré par l’éventualité que ses pulls soient troués.
La trivialité de son existence plaide en faveur du style, sinon qui s’intéresserait à lui ? Le type en costard qui sonne aux quatre sonnettes de son immeuble et patiente sans illusions derrière la grille tandis que Binh-Dû, dissimulé derrière son double-vitrage, décide de ne pas galvauder avec lui le premier mot de sa journée?
Peut-être ne prononcera-t-il aucun mot aujourd’hui. À la radio, un inconnu se raconte, on sent l’effort déployé à édifier sa propre statue. Mais personne ne résiste à l’effritement inhérent à une telle entreprise, par pitié Binh-Dû lui coupe le sifflet. Il ouvre son ordinateur. Ce matin, une amie contorsionniste a repiqué des poireaux.
Elle lui donne des nouvelles mais voudrait les siennes en échange. De quoi réfléchir un moment, parler de quoi, d'amour frustré ? Entre autres choses. Puis c'est la nuit. Binh-Dû fait claquer bruyamment ses mains, une fois, dans le vide. Ses mains sont vides. Ceux qu'on appelle les honnêtes gens dorment. Probablement ses voisins le trouvent pénible.