Encore une semaine à tirer, le fil sur l’écheveau donne un mauvais
coton. Toujours mieux que du polyester, certes, et il n’est guère élégant de
pisser sur le mérinos. Mais tout de même, on voit les bouloches. Tu auras beau
jouer du violon à mon oreille – à la tienne plutôt, qui penche vers la table
comme ivre de son propre son –, je vois bien que je tangue et pire je vasouille.
D’ailleurs qui suis-je ici, quelle est cette première personne du singulier qui
s’immisce alors qu’on ne lui a rien demandé ? Et qui es-tu ? Où est
Binh-Dû ?
C’est lui qui fait défaut, le joueur de flûte. Celui qui suit la
musique qui le traverse, celui qui devance la loi des récompenses et des
calamités. Même quand il s’absente il se tient tout près, il ne cesse en
réalité d’être au cœur de l’action, transparent, aléatoire, satisfait. Il a
définitivement obtenu ce qu’il voulait. Cela ne suffit pas à nous arranger, le
problème étant que la biodiversité de nos sentiments se réduit. Presque plus
d’arbres, des îles en plâtre s’effritant dans le néant, des animaux sans queue
ni tête. Qu’on nous retienne avant qu’on mute !