Alma
sème un champ neuf. Sous cette latitude la lune paraît plus lumineuse mais
l’exactitude des saisons n’est pas requise. Les graines sont issues d’une
première récolte. Alma est sur l’île depuis peu, elle ne veut pas penser qu’il
s’agit d’un continent.
Auparavant
c’était une combattante. Ses mains ont connu l’acier des armes. Aujourd’hui
c’est comme si elle nettoyait dans la terre le sang versé, comme si le soc
fertilisait une rédemption. De son sein le sang coulait, que son amant ne
savait étancher.
Binh-Dû
– puisqu’il ne s’agit pas de lui – était excessivement sérieux. Il
réfléchissait à la mort, pire encore : à ce que devrait être une vie
morale. Il pensait que la beauté découlait de la bonté, bien sûr il se trouvait
hideux. Il contemplait l’océan, assis, et il pleurait.
Très loin de là, en un autre temps, les jonquilles préparent leur
floraison. Ce ne sont pour l’instant que faisceaux de feuilles sorties du
bulbe, protectrices, enserrant une promesse. Les gelées nocturnes sont de plus
en plus timides. Ouvre les yeux !