Serais-tu
un oiseau à la rouge gorge, habitué aux promeneurs ? La terre est gelée
mais le soleil la pétrit, comme il réchauffe la peau de ton visage – tu n’es
pas un oiseau. Tu n’es pas le chien qui aboie éperdument. Tu n’es pas le cheval
noir, affolé, qui barre le chemin étroit. Tu essaies de parler à celui-ci, Calme, calme, tout va bien, au lieu
d’accepter qu’en cet instant précis – tu es l’incarnation de sa peur. Alors il
te faut renoncer. Admettre qu’il est de plus en plus tard, redescendre la
colline avant d’en avoir atteint le sommet. Quelle indignité !
protestes-tu.
Comme si
tu étais sujet aux accès de colère, mais cela tu ne l’es pas non plus. Tes
vieilles terreurs ont été domestiquées, et même tes peurs de la veille n’aboutissent
qu’à te mettre à genoux sur le rebord du gouffre. Tu trembles, tu butes sur les
mots, ta pensée connaît des ratés. Tu crois ne pas pouvoir parce que tu crois
n’avoir pas le droit. Auparavant tu courais plus vite que le découragement,
mais tu n’es pas un chat échaudé. Tu ne files pas te dissimuler aux regards.
Qui es-tu ? Tu es l’insoupçonné. Tu es le promeneur, tu es l’innocent. Et
un jour peut-être tu le sauras.