Dieu crée l’homme, Ish, à son image. Il en fabrique une version masculine et une
version féminine. Comment ? D’abord, avec la poussière du sol il forme Ish,
à qui il insuffle le souffle vital dans les narines. Puis il tire Isha’h, la femme, de la matière
masculine déjà formée, matière qui n’est plus brute mais vivante, et qu’il prend
du flanc d’Ish, en refermant sa chair aussitôt. Le résultat, c’est qu’Ish peut
dire : à l’instar de tout ce qui a été créé, cette chose n’est pas autre que moi, c’est la chair de ma chair, les os de mes os. Dieu l’a engendrée à partir de moi. Il m’a fécondé avec le
souffle vital et il l’a extraite de mon corps. Moi je suis Ish et elle, c’est Isha’h. Dans
ce mot surtout, dans ce mot qui la nomme, elle dérive de moi, qui suis à
l’image de l’esprit divin, et qui porte à l’intérieur de moi son Verbe. Elle
est donc un pur suffixe appliqué à ma racine
verbale, elle peut uniquement s’exprimer
dans mon mot à moi. (…)
Ève ne peut pas, ne sait pas et n’a pas la matière
pour être Ève en-dehors d’Adam. Son mal
et son bien sont le mal et le bien
d’après Adam. Ève, c’est Adam femme. Et l’opération divine a tellement bien
réussi qu’elle-même, en son for intérieur, ne sait pas ce qu’elle est ;
elle a des traits fragiles, ne possède pas de langue à elle, n’a pas d’esprit
ni de logique propres, et elle se déforme comme un rien.
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Quand
il me fait l’amour, il est gauche, tendre, hésitant – il a peur de me faire mal
ou de m’écraser. Et il est vrai que son poids considérable me coupe le souffle
au point que je crains parfois d’avoir une côte cassée. Ses coups de boutoir
sauvages me font frissonner de douleur, ce qu’il interprète autrement. Je ne
laisse jamais transparaître le plus léger inconfort parce que je pense
uniquement à lui. Et à mon besoin d’aimer, et d’être aimée. (…) Je sais
d’instinct que je ne dois pas le blesser. Que je ne dois pas m’autoriser la
moindre nuance de reproche ou de critique vis-à-vis de son travail – jamais.
Jamais je ne saperai sa confiance en lui-même en tant qu’homme, en tant
qu’artiste ou en matière sexuelle. (…) Car seul l’amour qu’il ressent pour moi
peut valider celui que je ressens pour lui, si puissant que j’en reste toute
faible, le souffle court.
& Joyce Carol
Oates (Le petit paradis)