L’hameçon
était le module selon lequel Eléonore avait été fabriquée : on le décelait
dans ses maigres accroche-cœurs recourbés vers le haut, un peu en dessous des
oreilles, dans son petit nez rose, dans sa façon de fléchir la dernière
phalange de ses doigts, dans le dessin du pavillon de ses oreilles. Cet hameçon
était présent dans toute sa personne. Et peut-être pas seulement sa personne
physique… Il n’y avait pas en elle une ombre de joliesse, de féminité au sens
habituel du terme, mais elle avait une acuité et un charme que beaucoup
d’hommes ayant mordu à son hameçon avaient renoncé à expliquer.
---
Mon dégoût pour tout ce qu’il représentait
constituait une raison suffisante. Il n’aura pas fallu plus que cette première
journée pour faire resurgir toutes ses tares ; bien que notre conversation
ait été minimale, quelques secondes avaient suffi à chaque échange pour me
convaincre qu’il était grossier, sectaire, buté, hypocrite, qu’il faisait
marcher ses tripes au lieu de sa raison, confondait ses couilles avec sa
cervelle, qu’il était à bien des égards l’archétype du genre d’homme que je
considérais comme le plus dangereux qui soit pour mon monde à moi, et cela
justifiait déjà amplement que je cherche à le détruire.
Et pourtant… ce n’était pas toute la Vérité.
Ludmila Oulitskaïa (Une fille d'écrivain)
& Ken Kesey (Et quelquefois j'ai comme une grande idée)