J’ai
évoqué le jour où – je devais avoir huit ans – j’étais rentrée de l’école
complètement retournée parce que dans la cour de récréation des amies s’étaient
moquées de mes cheveux bouclés, alors que les cheveux raides étaient à la mode.
Elles m’avaient traitée de sorcière. Maman m’avait prise par la main et
conduite à la salle de bains où elle m’avait fait asseoir devant le miroir.
-
Dis-moi ce que tu vois, avait-elle dit.
Je
n’avais pas voulu regarder.
Elle
m’avait pris le menton dans sa main pour le lever.
-
Dis-moi ce que tu vois.
J’avais
regardé le miroir et elle avait poursuivi :
- Moi, je vois une belle petite fille aux yeux verts. Et je veux que tu restes
ici jusqu’à ce que tu la voies aussi.
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J’ai été une adolescente tourmentée. J’étais plus
grande que toutes mes amies et beaucoup beaucoup plus maigre. En plus je n’ai
jamais eu un joli visage. Je continue à trouver que j’ai un visage bizarre, un
trop grand nez, des pommettes excessivement larges, mais maintenant je sais
comment utiliser cette étrangeté en ma faveur. A l’époque, je pleurais. Je détestais
mon visage. Je détestais mes cheveux. Je les ai lissés jusqu’à l’âge de vingt
ans. Un jour j’en ai eu assez et j’ai décidé de les laisser pousser
naturellement. Aujourd’hui les gens me remarquent parce que je suis grande,
mais surtout à cause de mes cheveux, de mon nez arrogant, de mes pommettes. (…)
Je peins mes ongles de bleu, de vert, de couleurs criardes, pour que l’on ne
remarque pas uniquement mes cheveux. Mais les gens remarquent mes cheveux
plutôt que mes mains. Tous les jours j’entends des compliments sur mes cheveux.
J’entends aussi des insultes, il y a des imbéciles partout.
Terry Tempest Williams (Refuge)
& José Eduardo Agualusa (La société des rêveurs involontaires)