lundi 22 mars 2021

La Terre hésite, en équilibre

21 décembre 2019

La Terre hésite, en équilibre. Deux sommets de colline par an pour peu que l’on se représente un cosmos cul par-dessus tête où le jour le plus long se superposerait exactement à la nuit la plus longue. Une colline et un creux d’obus pour les esprits chagrins. (L’hiver, les ossements germinent.) La Terre hésite, dirait-on, bien sûr il n’en est rien, toujours elle poursuit sa marche en avant.

On conçoit de nouveaux espoirs, déposés sous le sapin, ou de nouvelles résolutions. On compte sur l’étirement des jours pour les soutenir. Comme nous avons raison ! C’est Eros, le retentissement anticipé, déjà dans nos entrailles un désir. Tu sens ? Tu te souviens ou tu sens ? Une onde qui gagne les poumons, le cœur, qui fourmille dans les jambes. Avec l’hiver, la vibration ante.

Par surprise, en toute saison peut survenir la vibration post. Qui te saisit non moins, mais alors d’épouvante. Se souvenir est sentir, être vivant dans l’intensité sans bornes de la souffrance. Tu ne peux rien faire contre la succession des vagues qui frappent ton rivage à fleur de peau, tout est mémoire hurlante. Tu ne peux qu’attendre que cela s’éloigne. Que gire la Terre, lente.

dimanche 21 mars 2021

Décalage immédiat


Message à l'attention de ceux qui jettent parfois un œil sur la colonne de droite du blog :

 

Suite à un contretemps technique,

le 21 décembre est reporté au 22 mars.

(Le post annoncé pour aujourd'hui,

daté du 21/12/19,

sera finalement publié le 22/3/21.)


 

mercredi 17 mars 2021

jeudi 11 mars 2021

Interlude #13

Life's getting hard in here
So I do some gardening
Anything to take my mind away from where it's supposed to be

Courtney Barnett (Avant Gardener)

 



Emporter son esprit loin de là où il est censé demeurer...

mardi 9 mars 2021

Courir la nuit

8 mars 2020

Vous couriez dans la ville déserte, la nuit, pour vous abriter de l’orage. Sous un porche vous repreniez votre souffle. Quelle évidence lorsque vos regards se croisaient ! Tu ne saurais dire si l’un de vous deux rêvait, et lequel, ou les deux ensemble, si rêver ensemble appartient au domaine du rêve ou à celui du lit où l'on se réveille seul, et peut-être est-ce la veille encore ou le jour d’après.

Lucia et son fils repartent au Québec comme ils sont arrivés, la même spirale du parking rouge, le même tapis roulant à contresens. Vous prenez un dernier verre, éludez un ultime moment émotionnel. Le fils de Lucia fabrique une catapulte avec un ticket de métro. La catapulte projette ton gobelet par terre ou ton gobelet emprisonne la catapulte.

Une flèche dirigée vers le bas indique l’escalator qui mène à l’étage supérieur, vers les portes d’embarquement. Tu fais des signes à travers deux rangées de verres dépolis. La spirale ascendante encercle de factices et misérables cocotiers. L’orage a cessé, pour peu qu’il ait jamais tonné, les essuie-glaces sont inutiles. Vous étiez heureux d’une ancienne certitude.

lundi 8 mars 2021

Rien n'a changé, tout était différent

7 mars 2020

Rien n’a changé, tout était différent. Tout était différent de ce que tu croyais que c’était, un instant auparavant. Car Lucia a retrouvé dans un carton entreposé à la cave des photos de l’époque où vous étiez ensemble. (Il y a aussi cette carte postale que tu reconnais, sur le dessus d’une pile, subrepticement tu lis les quelques mots que ta propre main a tracés quinze ans auparavant, rien à y redire – tu écrivais qu’elle avait changé ta vie pour le meilleur et définitivement.) Comme vous étiez beaux ! Elle, tu le sais, mais toi, quelle surprise ! Tu t’en trouves sidéré tellement tu étais beau. Était-ce l’amour qui te rendait tel ?

Son fils joue à présent avec une sorte de mini-bazooka aux roquettes en mousse, il adore te tirer dessus, pile dans le gras des fesses. C’est la guerre à outrance, tu le poursuis entre les chaises du salon. Tu lui prépares des pâtes, avec un filet d’huile d’olive et un peu de sel, mais il n’a pas très faim. Il préfère essayer son arc et ses flèches à ventouses.

Était-ce l’amour ? Tu te souviens comme tu craignais que Lucia se lasse de toi, tu en étais même terrifié. Tu te jugeais si petit. Tu trouvais si miraculeux qu’elle soit tombée amoureuse de toi – et puis tu détestais ta voix, ce qui ne se voit pas sur les photos. Tu détestais à peu près tout de toi, sauf la relative intelligence qui te donnait la lucidité – croyais-tu – de te détester. Chaque jour accroissait le risque qu’elle s’aperçoive de l’imposture. Et puis, comme prévu, elle a cessé d’être amoureuse. Son fils rit devant la télé : car « Grand Schtroumpf, vous êtes vraiment un grand schtroumpf ! » s’émerveille le Schtroumpf froussard.