Un vaste néant, donc.
Je pense que c'est ce que voient les pupilles des êtres élevés à la cour, habitués qu'ils sont à regarder les entrelacs des tissus vénitiens, les circonvolutions des tapis turcs ou les motifs complexes des carrelages et des mosaïques. Quand leur regard est confronté à la complexité de la nature, ils n'y perçoivent que le chaos d'un vaste néant.
Modifier son environnement était l'une des passions de Jacques. Il avait fait goudronner à ses frais le chemin qui reliait les maisons du quartier à la route principale. (…) Je pense que s'il était allé vivre sur la Lune ou sur Mars, il aurait trouvé le moyen de s'y faire construire une piscine – avec une voûte transparente pour profiter de la vue.
Il a su manier la phrase-épieu, la phrase-lasso.
Du mot silex, il a fait jaillir le mot feu.
Sa chair trop tendre, sa chair transie s'est faite verbe, c'est-à-dire plus exactement sujet. Il est devenu le personnage principal du récit qu'il écrivait. (…)
Voici l'homme, soudain, avec ses mots, avec ses idées, avec ses inventions, tout ce baratin performatif : il assèche ou inonde, lève des terres ou les tasse, il sème ou il déboise. Rien en l'état ne lui convient jamais. Le monde ne s'ajuste pas à son rêve, mais la notice de son taille-haie est traduite dans toutes les langues. Il va pouvoir le transformer à sa convenance.
Olga Tokarczuk (in Histoires bizarroïdes)
& Florence Seyvos (in Un perdant magnifique)
& Éric Chevillard (in L'Arche Titanic)