Tu sors retrouver une autre amie, qui peut t'émouvoir tout autant. Dans sa vie à elle il y a un chien, de nombreux chats, des poules et des canards. Elle te montre ses massifs d'asters, les papillons qui butinent, elle caresse le dos des abeilles. Vous prenez le café dans le jardin, des visiteurs passent, elle te raconte la vie au village, les nouvelles de la famille, le travail. Elle t'amène à raconter un peu, toi aussi, ce que tu deviens. Et comment tu ressens l'air du temps. Elle traverse sans état d'âme l'ère Covid, contrairement à toi, vous différez d'appréciation mais ce n'est pas le plus important. Elle t'offre des œufs, des pommes, des pêches, et un bocal de soupe au potiron.
Sur la falaise tu cours pour respirer mieux. Tes cheveux volent derrière toi, tu ne les as pas coupés depuis bientôt deux ans - afin de hâter la fin de la pandémie. Le soleil est encore haut dans le ciel quand tu arrives à l'estuaire alors tu remontes les méandres de la rivière. La mer est basse et les rives envasées, tu obliques dans la forêt, te retrouves sur une route asphaltée où nulle voiture ne roule, comme en désirable apocalypse. De retour sur la côte le soleil t'a attendu, tu te diriges à sa rencontre. Passe une femme radieuse, qui regarde au loin.Puis une seconde, qui te sourit. Vous vous retournez presque simultanément après vous être croisés, avec juste assez de décalage pour faire comme si l'autre n'invitait pas à s'arrêter, revenir en arrière, faire connaissance. Deux fois. Elle s'assied sur un rocher qui domine la mer, toi aussi, vous êtes à présent à trois cents mètres de distance l'un de l'autre et tu n'es pas sûr qu'elle te regarde toi ou bien le paysage. Tu n'es pas sûr de ce que tu veux, de ce qui se peut. Elle repart.
Tu cours, tu te dépêches, le soleil n'est plus loin de disparaître.
Puis voilà. Il y a peu de nuages, c'est décevant.
Tu reviens, avant la nuit.