Elles étaient dispersées dans des placards, des tiroirs, des chemises. Sur l’ordinateur bien évidemment, mais il préférait éviter les écrans réfléchissants. Le temps d’en avoir le cœur net : son grain de beauté était apparu à l’adolescence, là, sur la joue gauche. Lors de l’anniversaire de ses dix-huit ans, il s’apprêtait à souffler les bougies. Il avait l’air si jeune, si vulnérable... Si peu armé pour affronter le monde. Pas très malin non plus... Mais le grain de beauté était à gauche, c’était une preuve ! À moins que les photographies les plus innocentes ne soient truquées elles aussi ? Soudain Jumien ne savait plus, est-ce qu’une photographie inversait la réalité comme un miroir ? Y avait-il un correcteur d’inversion ? Il laissa retomber la photo, découragé. C’était sa mère qui l’avait prise. Il y avait peu de photos de Sylvelle et de lui. Des centaines de Sylvelle, contenues ailleurs – dans le disque dur de l’ordinateur. Ils ne demandaient pas qu’on les photographie ensemble. Ils ne faisaient pas de selfies. C’était une preuve aussi, par l’absence, mais une preuve de quoi ? Il appréciait qu’elle ne soit pas jeune au point de faire des selfies mais il se sentait vieux avec son réflex qui ne faisait pas téléphone. Qu’est-ce que cela disait de leur relation ? Ils n’avaient pas besoin de photos d’eux ensemble. Il avait besoin d’elle, oh comme il en avait besoin ! C’était une évidence, pire : une urgence. Où était-elle ? Fallait-il l’attendre ?