Elle avait des petits seins, et Robert réalisa que
c’était nécessaire, qu’il lui fallait un corps fuselé pour parcourir l’océan.
Elle avait une large bouche, des lèvres de la couleur de l’eau de mer, mais il
ne pouvait pas voir, du fait de sa chevelure hirsute, si elle avait des
oreilles. (…)
Il tendit lentement la main et lui toucha le bras.
La sirène tressaillit mais ne s’éloigna pas. Sa peau était fraîche et humide.
Il eut l’impression que le bout de ses doigts se dissolvait. (…)
Elle ne lui inspirait ni du désir, ni de l’amour
ou de la curiosité : ce qu’éprouvait Robert, c’était un sentiment qu’il ne
se rappelait pas avoir déjà éprouvé, une forme d’émerveillement qui se mêlait à
son sang et s’insinuait dans toutes les parties de son corps.
---
Quelque
part une femme rêve, elle a dû se retourner en riant, ses bras ont émergé des
draps tièdes, sa main s’est posée sur la nuque de son amant endormi, sa jambe
dans un mouvement gracieux est venue sur la hanche du dormeur. A cette vision
une chaleur merveilleuse m’envahit. J’imagine la jambe souple et chaude pesant
sur ma hanche et le souffle sur mes lèvres. Ma main instinctivement remonte au
creux des jambes entrouvertes. Je me demande comment est fait un sexe de femme.
Je cherche à me rappeler la phrase du fameux livre. Comment c’était ?
Ah ! oui. Ses doigts lentement
pénètrent dans le nid tiède… Était-ce tiède ou brûlant ?... nid tiède ! mais nid tiède, ça
n’explique rien. Comment c’était ? Ah ! oui ! nid tiède à la jointure des cuisses… cuisses,
cuisses, cuisses. O, mot magique ! O, lot divin ! O, cuisses !
O, seins ! O, ventre ! mots plus beaux que tous les mots
d’amour ! A la jointure des
cuisses ?... j’aimerais bien comprendre comment se fait exactement
cette jointure. A quel endroit commencent les fameuses lèvres ? J’essaie
d’imaginer une bouche dissimulée entre les cuisses, mais je n’y arrive pas. Une
bouche sans visage. Impossible. (…)
---
Quand
je repense au passé (…), le meilleur souvenir qui me reste de mon Pernambouc
hollandais est l’odeur de Sula. Pas l’odeur – les odeurs. Je pourrais dessiner
de mémoire son corps longiligne, et dans le creux de chaque courbe retrouver le
parfum exact qui l’identifiait, le définissait et le rendait royal. Le doux
arôme de santal de sa nuque, que j’aimais parcourir de la langue, que j’aimais
baiser et mordre, la longue route des épices qui allait de ses orteils à
l’aine, la profonde ivresse de son nombril.
Anjali Sachdeva (in Robert Greenman et la sirène)
& Serge Rezvani (in Les années-lumière)
José
Eduardo Agualusa (in La reine Ginga - et comment les Africains ont inventé le monde)