mardi 11 janvier 2022

Rhizomiques #90

L’hiver dernier, j’ai pris l’habitude de courir dans les champs à la nuit tombée. J’évitais ainsi le risque de croiser un de ces joggeurs en vêtements techniques fluorescents qui halètent comme des joueurs de tennis. Je voulais de toute force la solitude et la morsure du froid sur mes mollets, je filais sans un son dans l’obscurité jusqu’à m’y fondre. Seuls me rassuraient les animaux et l’idée que tu existes quelque part – toi seule me sauvait de la misanthropie.
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Il se peut que l’amour ne puisse survivre, si on le place dans un milieu. Peut-être meurt-il si on laisse entrer le monde extérieur ; peut-être tombe-t-il en poussière si l’on ouvre la fenêtre. Or je sais bien que cet air-là, celui de l’extérieur, c’est le vrai. Mais je ne peux établir le rapport interne-externe. Je ne parviens pas à opérer la jonction. Cela est d’autant plus surprenant que l’amour est une réalité, et même une réalité très quotidienne.
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Quelqu’un pour qui l’extérieur a toujours été à la fois irrespirable et infranchissable ne devrait pas accorder le moindre sens à la nostalgie d’un espace ouvert accueillant.
 
Fanny Chiarello (in Le sel de tes yeux)
Margaret Drabble (in La cascade)
Céline Minard (in Boules à neige)