Et s’il
restait là, devant la fenêtre, à observer la vue jusqu’à en connaître par cœur
le moindre détail, la forme des fenêtres, des corniches, des auréoles de
rouille sur les toits ? C’est un exercice qu’il lui est arrivé de
recommander à certains de ses patients dépressifs, observation scrupuleuse d’un
paysage donné, jusqu’à voir celui-ci
vraiment. Le cortex visuel se sert, en temps normal, d’une part réduite des
éléments sensoriels bruts qui lui parviennent et avec lesquels il compose une
représentation du réel, inférant "le reste" à partir de souvenirs.
Ainsi perceptions présentes et passées sont-elles combinées, à l’insu de
chacun, en une mosaïque appelée "vision".
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Peut-être
que tout le monde a un jardin d’Éden, je ne sais pas ; mais on a à peine
le temps de l’entrevoir avant que surgisse l’épée flamboyante. Peut-être que le
seul choix que la vie nous laisse est de garder le souvenir du jardin ou de
l’oublier. De toute façon, ce souvenir exige une certaine force, oublier exige
une force d’un autre ordre ; faire l’un et l’autre serait héroïque. Ceux
qui se souviennent courtisent la folie à travers la souffrance, la souffrance
de la mort indéfiniment répétée de leur innocence ; ceux qui oublient
courtisent une autre folie, la folie qui nie la souffrance et hait
l’innocence ; et le monde est essentiellement partagé entre les fous qui se
souviennent et les fous qui ont choisi d’oublier.
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Oui, il est souvent douloureux d’ouvrir les yeux, mais… La vérité est toujours révolutionnaire…
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Che Guevara ? Non, je suis bête… Frieda Kahlo ?
Céline Curiol (in Les lois de l'ascension)
& James
Baldwin (in La chambre de Giovanni)
& Martin
Winckler (in L’École des soignantes)