29 avril
L'amour encore possible me dévaste.
Chez les autres.
Chez moi, la pensée me traverse que l'apocalypse a peut-être déjà eu lieu entre aujourd'hui et le jour où l'être humain s'est piqué de jouer à haute dose avec l'énergie nucléaire, et nous serions dans le rêve d'un papillon, bénéficiant d'une seconde chance qui s'avèrera aussi inéluctablement gâchée que la première.
Le désastre en cours, pire que de me dévaster, m'horrifie.
J'en fais des cauchemars riches en variations – sur un même thème.
Puis je saute dans un bus, rendez-vous une demi-heure plus tard sur un parking.
Un type balèze assis au fond du bus parle fort au téléphone, il dit qu'il se tient sur ses gardes parce que son dealer est fou, n'a peur de rien, zéro limite.
Je l'observe dans des reflets de vitre, voir s'il y a lieu que de lui j'aie peur. Ou d'une menace extérieure, qu'un tir de bazooka explose la vitre ?
Du coup je rate mon arrêt.
L’amie qui me confie sa maison durant une semaine m'attend avec son fils et me conduit à une cinquantaine de kilomètres de chez moi, où nous retrouvons sa fille et son compagnon.
C'est là que me dévaste l'amour. Celui qui émane d'eux quatre, individuellement et dans l'ensemble, ils sont trop beaux.
Leur énergie joyeuse, leur gentillesse, leur intelligence.
Je vais me promener autour du village pendant qu'ils font leurs bagages.
J'ai oublié plein de petites choses essentielles en faisant mon propre sac. Des choses de marcheur que jamais je n'oublie – protections contre le soleil et les ampoules.
Je m'égare dans des champs qui fleurent les pesticides.
Je reprends de l'oxygène dans les bois.
Je reviens, ils s'en vont, me voilà seul dans une maison vingt fois plus grande que mon studio.
Je me sens seul soudain.
C'est un sentiment de renouveau, qui fait du bien.