Certains
jours Binh-Dû ne sort pas de chez lui. Il ne lui arrive pas grand-chose. Des
sensations domestiques, des émotions solitaires, des pensées. Raconter des
pensées, ça va un temps, c’est à peine plus valable que raconter un spectacle.
Ou un rêve. Il y a des psys pour ça. D’autres jours Binh-Dû s’active de
multiples façons, trop pour en raconter quoi que ce soit le lendemain. Il ne
voudrait pas être de ceux qui consacrent plus de temps à écrire leur vie qu’à
la vivre. Loin au centre de la France vit une femme dont les enfants
abordent l’âge des amours adultes. La dernière fois que Binh-Dû et elle se sont
vus c’était comme s’ils s’étaient quittés la veille, peut-être même avaient-ils
rajeunis vu qu’une vingtaine d’années auparavant ils devaient chacun avoir plus
de mille ans. Mais ils étaient si inexpérimentés ! Son ambition à lui
était de vivre le roman qu’il deviendrait en mesure d’écrire. Elle trouvait
qu’il ressemblait à un personnage, pas nécessairement flatteur. La fidélité
croise ses jambes en tailleur, les yeux clos Binh-Dû pressent la solution à
tous les maux de l’humanité. Dommage qu’un scribe n’assiste pas à ses
révélations pour en retranscrire la logique ! Le silence s'inscrit sur la page blanche.