17 juillet 2020
Tu es resté en haut pour la nuit, comme un animal, dans la vallée tu aurais rejoint les zombies masqués faisant la queue devant l’épicerie. Tu voulais continuer à ne voir aucun masque de toute la journée : pour la première fois depuis trois mois, tu as pu t’imaginer qu’il y avait encore de l’avenir – du moins y avait-il encore du présent. Tu t’es couché non loin d’un tas de fumier, dans le pépiement d’oiseaux curieux.
Tu as passé une nuit cauchemardesque. Une première fois tu t’es réveillé en sortant d’un grand magasin parisien où tout le monde se contaminait avec insouciance, croyant qu’on pouvait se presser entre les rayons, dans les escalators, au restaurant panoramique comme on le faisait auparavant, en riant de toutes ses dents. Tu tentais de retenir ta respiration mais rien à faire, des milliers de poumons en fonctionnement précaire.
Une seconde fois tu étais dans un immense entrepôt, il y avait foule encore, on vous passait au détecteur. Il fallait afficher entre 200 et 800 pour pouvoir passer, tu étais à 400. En-dessous de 200 c’est encore mieux ou c’est qu’on est mort ? plaisantais-tu. Le préposé ne savait pas. Tu arrivais dans une grande salle vétuste avec des bancs, tu t’asseyais, la salle se remplissait de gens trop près, tu te relevais, te dirigeais vers le fond de la pièce, que faisais-tu là ?
Un homme tombait par terre, il se convulsait, tu ne savais pas comment l’aider, quelqu’un ? Personne d’autre que toi ne réagissait. Tu te dirigeais vers la porte pour chercher de l’aide, mais elle avait été fermée, tu découvrais que tous ceux qui t’entouraient étaient amorphes ou pire. Une femme nue agonisait sur un banc, une autre se tenait debout, bras ouverts, souriant d’un sourire de martyre. Il y a erreur ! criais-tu. Moi je suis à 400 !