La douleur est strictement localisée et elle est odieuse. Elle te gagne à elle, par vagues, elle étouffe tes tentatives de résistance. Elle ne te permet pas non plus de t’abandonner. Tu te demandes si d’autres douleurs sont moins odieuses, des douleurs sèches peut-être, ou qu’on sait fugitives à peine les reçoit-on. Des douleurs d’effort physique qu’on peut transformer en fierté. Ou des douleurs de sentiments auxquelles conférer une qualité mélancolique.
Mais je voulais plutôt parler de Céline !
Céline est enseignante en philosophie. Cela change tout, non ? Quand elle danse, ce n’est pas seulement qu’elle exprime sa nature animale, en communion avec la nature, c’est : l’être pensant qui choisit son action et prédispose ses états, dans la limite du libre-arbitre. Par moments elle danse, à d’autres elle pense.
Elle habite près d’une frontière, ses élèves prennent l’autocar pour se rendre à la ville. Il arrive qu’ils aperçoivent sur les bas-côtés des silhouettes d’hommes (pour la plupart), fugitives comme la souffrance d’un exil interminable. Ils pensent « En voilà encore un » (ou deux, ou un groupe). Ce n’est pas cruauté ni reproche ni compassion, juste un constat. Guère moins hébété qu’un regard épuisé par la violence. Les élèves de Céline sont fatigués parce qu’ils dorment peu, ils dorment peu parce que la vie qu’on leur propose manque de joie.
Ce pourquoi Céline danse au milieu des arbres.
Disons que cela lui arrive. Pour l’instant, elle boit un thé à sa table de travail dans l’appartement qu’elle partage avec son compagnon. Du deuxième étage elle a vue sur une gare de triage où il ne se passe pas grand-chose. C’est le milieu de l’après-midi. Elle prépare un cours qui abordera la question de l’autonomie.