Non,
ça ne pouvait pas être n’importe qui, mais lui, miraculeusement lui. Car si je
dois toujours ignorer ce qui m’a sauvée, ignorer ce qu’il y avait en lui, en
moi, en nous deux, qui m’a sauvée, je sais que ce fut le contraire d’une
nécessité ; proprement, ce fut un miracle. Une fantaisie prodigieuse du
sort. (…) Ce que j’ai reçu a été une grâce.
Grâce
et miracle. Je ne suis pas ravie de ma terminologie ; mais au moins
a-t-elle le mérite de ne pas mentionner le plus désastreux des concepts, celui
du libre arbitre.
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Je
serai tel l’arbre dans la pénombre de la forêt
Que
la lumière a choisi d’éclairer
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J’avais la conviction que nous étions liés par une
conscience muette de la présence de l’autre, et quand, juste avant que mon père
arrive pour nous ramener à la maison, Eli a posé sa main sur ma hanche, je jure
que je parvenais à peine à respirer à cause du lien entre nous. Oh, je n’oublierai
jamais ce moment où, même avec l’univers colmaté au-dessus de nous, brillant
d’une infinité d’étoiles et noir d’un espace infini, il était impossible pour
moi de penser que Ptolémée n’avait pas raison, que notre propre Terre, notre
petite tribu et la main d’Eli sur ma hanche n’étaient pas au centre de tout ce
qui était.
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J’ai
eu la révélation du toucher à quatorze ans. Une fille me prit la main que
j’avais posée sur mon genou. (…)
Sa
main douce sur le dos de la mienne sèche éveilla la connaissance.
De
la main, elle s’étendit comme une inondation aux autres pores, des cheveux aux
pieds, un désert irrigué pour la première fois.
Mes
yeux se fermèrent et je vis la nuit en pleine après-midi, une étendue de points
lumineux. C’étaient mes pores.
Ce
fut ainsi que le toucher dépassa les autres sens.
Nous
l’avons cherché encore, en nous baignant ensemble, en nous tâtant sous l’eau à
l’aveugle.
Le
bonheur était dans chaque centimètre de contact.
Margaret Drabble (in La cascade)
& Leah
Goldberg (citée par David Grossman in La vie joue avec moi)
& Jean Hegland (in Dans la forêt)
& Erri De Luca (in Le tour de
l’oie)