Ce moment où l’effort se dilue,
les muscles des jambes s’affermissent, la respiration trouve son rythme et son
amplitude. La pente est toujours aussi raide, on marche, on marche, on s’élève,
on suit le tracé de couturier du sentier, un coup à droite, un coup à gauche.
Et soudain la foulée s’allonge, le dos se redresse, rien n’a changé sinon
l’impression que le chemin d’une certaine façon est plat, comme s’il suffisait
de modifier l’oblique du regard, comme si l’on pouvait à loisir relativiser
l’inclinaison de la Terre, et de fait ça marche, on courrait presque et
l’euphorie gagne, il n’est plus de limite.
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Je plonge
mes pieds déchaussés
dans le froid saisissant du torrent ;
me souviens du cri de la marmotte
qui m’a glacé le sang.
Pire que d’un prédateur, l’opposé d’un grognement
caverneux.
Allez, j’accepterais de déchiqueter des saumons
avec mes griffes,
j’y prendrais même un certain plaisir.
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Au lieu de griffes j’aurais un
fusil. Je tirerais sur les quads, bon d’accord j’essaierais de viser les pneus.
Et sur les hélicoptères ? Il faut quatre heures à pied pour atteindre le
refuge, et s'il s’agit de transporter un ravitaillement nécessaire, je peux
tolérer cet engin qui brise durant une poignée de minutes la paix des
montagnes. Devant le refuge, sur le terre-plein prévu à cet effet reste une
palette débarrassée de ses liens mais non de deux mètres cubes de canettes de
bière. Le sucre dans le
moteur, ça marche toujours ?