14 mai
La veille, un Afghan peut-être a volé le téléphone de la danseuse qui s’était assise dans un parc. Il est parti en courant, elle a souhaité qu’il en retire un bon prix. Il y a, paraît-il, cent trente nationalités présentes dans cette ville, l’une des plus pauvres de France. (Ou comment l’État organise la misère.) On y meurt précocement. L’errance souffrante, négligée, en arrêt d’exil, est sans justice ni morale, pas d’égalité de destin sur les pelouses du parc. Les blancs Français aussi ont été délaissés, abandonnés à leur racisme traditionnel, à leurs ternes espérances et à une carence d’éducation.
La mendiante aujourd’hui se prosterne devant le centre commercial. Si tu lui donnes une pièce, elle ne s’en apercevra même pas. À l’intérieur, un homme sans masque te demande de le prendre en photo, c’est pour envoyer à sa mère. En arrière-plan : une plante artificielle et des boutiques fermées.
Les oiseaux semi-sauvages vaquent à leurs affaires aux abords du canal. Un héron s’est posé sur la rive, toute une colonie de corbeaux croasse à la cime des platanes. Une poule d’eau s’égosille. Il y a encore deux cygnes sur l’eau, qui ne font pas une ride.
La danseuse et le créateur lumière affinent leurs effets. À un moment de la pièce, elle se tient dans la même position que la mendiante, sauf qu’à la place des béquilles il y a les baguettes avec lesquels elle frappera le tambour sacré. Aujourd’hui elle est épuisée. C’est le dernier jour de trois semaines de travail intensif, elle frappe moins fort, résiste mal aux forces centripètes, oublie sa chorégraphie. Le filage est calamiteux.
On terminera là-dessus, et on repartira de plus belle lors de la prochaine résidence. Toi aussi tu es fatigué, alors que tu dépenses peu d’énergie. Est-ce l’époque, serait-ce que tu vieillis ?