mercredi 7 décembre 2022

les diagonales grises

Samedi 18 septembre, jour 8

Tu aurais pu parler des sternes aussi, et des pétrels.
Ou de cette "allée des troènes", ça ressemble à quoi un troène ? Ah, ce n'est pas vraiment un arbre, eh bien non, en fait, ça ne m'intéresse pas trop.
Tu aurais pu parler de cette propriété en bord de mer, à la pelouse impeccable parcourue par une tondeuse mécatronique au moteur silencieux – la laideur et la stupidité de ce truc, nonobstant le silence.
Tu pourrais plaider à nouveau pour la préservation des lignes d'horizon – car quand tu ne pourras plus poser tes yeux sur un coin de ciel sans éolienne, alors il ne te restera plus qu'à pleurer.
Tu aurais pu parler des gens, infiniment, combien en écrasante majorité ils t'attristent.
Sur la falaise il y en a peu et ils font des efforts, c'est plus supportable. Il est possible d'échanger de petites marques de sympathie.
Tu préfères toujours dire bonsoir plutôt que bonjour, cela sonne mieux. Ou est-ce l'heure du coucher du soleil qui se rapproche ? Deviens-tu sympathique à l'approche du soleil couchant ? Non, tu voudrais que le monde soit plus silencieux, à l'exception du bruit des vagues, du cri des mouettes, des goélands, etc. (Tiens, tu n'as pas parlé des cormorans ?)
Tu remets un escargot dans le droit chemin – c'est-à-dire en bordure de celui que suivent les humains étourdis et les chiens attentifs.
Il y a peu de monde car la météo a prédit de la pluie. Tu vois les diagonales grises sur la mer. Tu vois les nuages de plus en plus gris étouffer le soleil jaune.
N'importe, les gris sont beaux aussi.
Mais tu regrettes un peu prématurément que tout cela – toi, échappé de ta vie urbaine, chaque soir en bord de mer – soit bientôt fini.