mardi 13 décembre 2022

Les gens t'émeuvent trop

Dimanche 19 septembre, jour 9

Il pleut sur la plage, tu l'as vu venir. C'est beau aussi, alors que le soleil absent n'a pas encore atteint son apogée du jour.
Tu te réfugies sous un grand pin, tu regardes les gouttes faire des ronds dans l'eau des flaques, de ci de là une bulle. Ce n'est pas une pluie torrentielle, juste une averse.
D'ailleurs il ne pleut plus, tu reprends ta marche. La végétation exhale des parfums avivés.
L'autre avantage d'un dimanche pluvieux est qu'il y a moins d’humains sur les chemins.
Tu es presque aussi misanthrope qu'à ton arrivée ici et tu vas bientôt repartir.
Mais tu as rendez-vous en fin de journée avec l'amie dont tu as dégusté les petites pêches, les pommes et les œufs de poules libres (l'œuf de canne est encore une surprise).
En attendant tu marches sur un sentier jamais emprunté alors – dans ce pays ce qui te manque c'est de l'inédit, ce que tu aimes c'est la permanence. Tu aperçois un rouge-gorge.
Ton amie te montre un martin-pêcheur, son envol bleu roi.
Elle sort du travail, elle te guide sur les pontons, t'invite sur le voilier d'un marin portant la barbe grise et l'anneau à l'oreille. Vous trinquez au cidre tandis que le soleil descend et que les haubans battent doucement au vent et au roulis.
Tu n'as plus l'habitude de parler mais tu t'en sors quand même, écouter tu sais toujours.
Quoique... Quel était le prénom du marin, déjà ?
Les gens t'émeuvent trop, soit que tu les haïsses, soit que tu les aimes, soit qu'ils se situent dans l'entre-deux.
En direction du soleil couchant le ciel reflète des nuances de jaune, mais à l'est une brume rouge cassis te laisse sans voix.