Mercredi 22 septembre, jour 12
Car c’est aujourd’hui que tu vas repartir à l’aventure (aussi relative soit-elle), te dégageant du petit cocon de confort que tu avais secrété.
Ton amie revient de la pêche aux praires, elle a relâché deux étrilles qui avaient trop l’énergie de vivre. Tu aimes les femmes à vif et celles qui se protègent sous une carapace.
- Où est-ce que tu as appris à faire du vélo en lâchant les mains, c’est avec ton père ?
- Mon père, il sait pas tenir sur un paddle, même assis.
Les deux gamins te dépassent en zigzaguant, tu ne te souviens pas avoir jamais parlé de ton père à un ami, et pourtant : il t’a appris à jouer au ping-pong. (Et à faire des roues arrière, non ?)
(Et à mentir avec conviction.)
Tu avais annoncé que tu quitterais la baie mais tu as décidé au dernier moment de rester une journée et une nuit de plus dans le paysage de ton enfance. La nuit dernière, tu as rêvé d’un lièvre couché sur le rebord d’un chemin, et toi tu courais. Un seul lièvre à la fois, c’est bien suffisant, le lièvre éternel de ta jeunesse.
Une fois encore, une fois de plus, le sentier sous les pins. Tu respires de tes narines frémissantes les parfums des arbres et de la mer, c’est comme de retourner vers l’amante dans son lit, qu’on ne se résout pas à quitter pour aller travailler. C’est de l’amour, sensuel, rien de moins qu’un désir du corps. Un insatiable bonheur.
Une fois encore, une fois de plus, la grande plage au couchant. Et n’importe si le soleil s’éteint cette fois-ci comme un bête feu de circulation orange.
Tu t’endors dans la voiture dont l’odeur de cigarette a été absorbée par tout un ramequin de bicarbonate de soude, tu t’endors dans la joie de savoir que dès le matin la plage à nouveau t’accueillera, une fois encore, une dernière fois.