La panoplie d'outils théoriques que les écrivain∙e∙s utilisent
pour faire advenir la fiction, pour légitimer leurs inventions et leur lubies
est consternante : arguments d’autorité, parti pris, sophisme, terreur,
généralisation, hyperbole, argument ad hominem…
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Je n’ai rien contre les romans, mais souvent, je
leur trouve un goût d’artifice, je perçois le petit bruit de fond de leurs
rouages ; on veut me conduire quelque part, à l’aveugle prétendument, mais
les décors et les accessoires censés m’aiguiller ont quelque chose
d’arbitraire, de falsifié. La table est rouge, il pleut, la femme porte une
robe d’été, alors que la table pourrait être bleue, la pluie avoir la texture
de la neige et la femme être vêtue d’un manteau noir.
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«
Trois camions de pompiers fonçaient sur le tarmac, sirènes hurlantes et
gyrophares bleutés, en direction de l’avion échoué telle une conserve tubulaire
dont on peinait à imaginer que des êtres humains pussent s’y trouver confinés ».
Il posa son stylo, soudain accablé par un sentiment d’escroquerie. Ces images d’aéroport,
le monde entier les avait en tête (du moins le monde de ses lecteurs). Toute description
n’était plus qu’assemblage de lieux communs collectés dans d’innombrables films
de fiction ou d’actualité. Qui pouvait encore se créer une représentation mentale
originale à la lecture de n’importe quelle scène vue déjà selon mille variantes,
que pouvait-on encore décrire qui ne soit cliché ?
Coline Pierré (Éloge des fins heureuses)
& Céline Curiol (Les vieux ne pleurent jamais)
& Binh-Dû,
inspiré par Serge Rezvani. [Sincère gratitude à quiconque lui
indiquera la référence...] [Edit : la source est retrouvée ! cf billet suivant]