Il fait nuit. Sur le rond-point gire inlassablement la caméra
de surveillance. Il y a encore du sel et du ketchup à la baraque à frites – tu vois
la mine réjouie des piétons quand ils se lèchent les doigts ? La statue du
grand homme tourne imperturbablement le dos au chat qui renifle le glyphosate
épandu sur les massifs floraux. Le bureau de poste ouvert seulement le matin
est d’autant plus fermé – impossible de se glisser entre les barreaux de métal
à moins d’être un chat ou un animal encore plus petit que tu ne repérerais pas,
même avec tes lunettes. Les voitures lasses rentrent se coucher sans faire
crisser leurs pneus. Et l’on repart pour un tour dans le sens des aiguilles
d’une montre. Il fait jour. On quitte l’appartement acidulé, à la gare le train
nous attend comme s’il n’avait pas bougé depuis trois jours. Et les champs d’un
vert OGM défilent, d’un coup le wagon se remplit de soldats en civil.
Impossible dès lors de dormir, dit-elle, ce qui se comprend – combien de
poignards glissés dans les paquetages ? L’un de ces enfants au crâne rasé
et aux muscles gonflés a troqué son treillis pour le maillot sponsorisé d’une
équipe de foot. Quand l’uniforme vous sied… Un autre, si grand qu’il tient à
peine assis, joue sur son téléphone à faire progresser un plombier dans la
jungle. Arrivés à Paris, ils se dispersent. Le ciel est bleu, croyons que tout
va bien, même si sur le parvis un Afghan et ses deux enfants attendent,
enveloppés dans une seule couverture, une barquette de fruits vide à leurs
pieds.