mardi 14 janvier 2020

Hybrides #27

Je sortis de la prison comme à chaque fois, le cœur lourd d’angoisse. Une journaliste m’attendait à côté du portail devant un petit groupe de manifestants. Les policiers, tous armés, certains tenant des chiens en laisse, étaient bien plus nombreux.
- Bonjour ! me salua la journaliste. Comment va votre fille ?
- Mal, très mal ! Comment voudriez-vous qu’elle aille ?
- Elle espère toujours que le président va s’émouvoir, faire un geste de compassion et qu’il fasse libérer les jeunes ?
L’interview est disponible sur plusieurs sites d’Internet. (…) Je me redresse et j’élève la voix. Certains disent que je crie, mais je ne sais pas, je ne l’ai jamais vu :
- Compassion ? Ce serait comme couver un œuf de serpent dans l’espoir d’en voir sortir un ange. On ne peut rien attendre d’un homme mauvais et corrompu que de la corruption et de la méchanceté. – Une petite pause pour reprendre mon souffle. – Cet homme que vous appelez président n’est qu’un lâche, enfermé nuit et jour entre les hauts murs d’un palais colonial parce qu’il n’a même pas le courage de sortir dans la rue et d’affronter le peuple. C’est un salopard !
(…) Tout changea en deux heures. Des journalistes m’appelaient du Portugal, du Brésil, du Mozambique, du Cabo Verde, de France, d’Allemagne, me demandant de confirmer. (…)
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Le fascisme n’est pas le contraire de la démocratie mais son évolution en temps de crise.

José Eduardo Agualusa (in La société des rêveurs involontaires)
& Bertolt Brecht