Je sortis de la prison comme à chaque fois, le cœur
lourd d’angoisse. Une journaliste m’attendait à côté du portail devant un petit
groupe de manifestants. Les policiers, tous armés, certains tenant des chiens
en laisse, étaient bien plus nombreux.
- Bonjour ! me salua la journaliste. Comment
va votre fille ?
- Mal, très mal ! Comment voudriez-vous
qu’elle aille ?
- Elle espère toujours que le président va
s’émouvoir, faire un geste de compassion et qu’il fasse libérer les
jeunes ?
L’interview est disponible sur plusieurs sites
d’Internet. (…) Je me redresse et j’élève la voix. Certains disent que je crie,
mais je ne sais pas, je ne l’ai jamais vu :
- Compassion ? Ce serait comme couver un œuf
de serpent dans l’espoir d’en voir sortir un ange. On ne peut rien attendre
d’un homme mauvais et corrompu que de la corruption et de la méchanceté. – Une
petite pause pour reprendre mon souffle. – Cet homme que vous appelez président
n’est qu’un lâche, enfermé nuit et jour entre les hauts murs d’un palais
colonial parce qu’il n’a même pas le courage de sortir dans la rue et
d’affronter le peuple. C’est un salopard !
(…) Tout changea en deux heures. Des journalistes
m’appelaient du Portugal, du Brésil, du Mozambique, du Cabo Verde, de France,
d’Allemagne, me demandant de confirmer. (…)
---
Le fascisme n’est pas le contraire de la
démocratie mais son évolution en temps de crise.
José Eduardo Agualusa (in La société des rêveurs
involontaires)
& Bertolt Brecht