lundi 27 janvier 2020

27 mars


         Commencer par le sommeil, cette angoisse ! Ils ont tous le même air égaré parce qu’aucun ne dort à sa fatigue. Parfois la nuit (ce qu’ils s’en réservent), ça ne veut pas venir, souvent le jour ça leur tombe dessus et ils n’ont d’autre choix que de résister – « je n’ai pas le choix », se convainquent-ils –, d’un effort surhumain conserver ses paupières relevées. Leurs cillements se prolongent à peine, dans un léger brouillage aqueux – les larmes qu’ils verseront aux toilettes s’ils parviennent à s’absenter quelques minutes. Ils endurent encore et encore, et un jour ils tombent.
         Dehors le soleil bat son plein. Les fleurs des pommiers s’épanouissent presque à vue d’œil, comme se détendent les pores de la peau d’un bras nu, se dénoue une écharpe devenue superflue. On en a plein les yeux. C’est trop ! Retour dans le théâtre où le noir est mis, traversé sporadiquement de sillons de lumière. Les réglages vont prendre toute la journée. Sur le sol, douze mille baguettes chinoises fourbissent leurs échardes – celles qui ne se sont pas déjà enfoncées dans de petites mains. Le riz ne tombe pas du ciel, mais la grâce vaudra manne céleste. Puis il fait nuit dehors aussi.