Commencer
par le sommeil, cette angoisse ! Ils ont tous le même air égaré parce
qu’aucun ne dort à sa fatigue. Parfois la nuit (ce qu’ils s’en réservent), ça
ne veut pas venir, souvent le jour ça leur tombe dessus et ils n’ont d’autre
choix que de résister – « je n’ai pas le choix », se convainquent-ils
–, d’un effort surhumain conserver ses paupières relevées. Leurs cillements se
prolongent à peine, dans un léger brouillage aqueux – les larmes qu’ils
verseront aux toilettes s’ils parviennent à s’absenter quelques minutes. Ils
endurent encore et encore, et un jour ils tombent.
Dehors
le soleil bat son plein. Les fleurs des pommiers s’épanouissent presque à vue
d’œil, comme se détendent les pores de la peau d’un bras nu, se dénoue une
écharpe devenue superflue. On en a plein les yeux. C’est trop ! Retour
dans le théâtre où le noir est mis, traversé sporadiquement de sillons de
lumière. Les réglages vont prendre toute la journée. Sur le sol, douze mille
baguettes chinoises fourbissent leurs échardes – celles qui ne se sont pas déjà
enfoncées dans de petites mains. Le riz ne tombe pas du ciel, mais la grâce
vaudra manne céleste. Puis il fait nuit
dehors aussi.