dimanche 27 septembre 2020

Narcissus contrariata (7)

Après deux ou trois secondes d’hésitation, il osa regarder leur image. Sylvelle ne comprenait pas : Et alors, quoi ? Comme si elle ne voyait pas qu’il n’était plus le même. Il leva lentement une main, l’autre leva la main opposée. C’était une souffrance, rien que d’y assister. Tu comprends maintenant ? demanda-t-il. Qu’y a-t-il à comprendre ? répondit-elle à son reflet. Mais enfin c’est flagrant ! Quand je lève ma main droite ici, l’autre lève sa main gauche, comment tu expliques ça ? Jumien, c’est le principe du miroir, tout est inversé, si tu es droitier ton reflet est gaucher, ne me dis pas que tu le découvres à l’instant ? Mais bien sûr que je le sais, c’est justement le problème : je lève ma main droite de droitier et l’autre là-bas lève aussi sa main droite, ça s’inverse plus comme ça devrait ! Et il n’y a pas que ça, c’est tout mon visage qui est méconnaissable, ne me dis pas que cela ne te frappe pas ? Sylvelle le regarda attentivement dans le miroir, ils y croisaient leurs yeux. Jumien était au désespoir : visiblement leur couple était fichu, ils n’allaient plus du tout ensemble. Déjà auparavant il avait des doutes mais à présent c’était clair, il n’avait pas sa place auprès d’elle, il était une erreur, une abomination, que Sylvelle demeure à son côté constituait en soi un outrage au bon sens. Elle entoura ses épaules de ses bras, l’embrassa sur la nuque, Viens, ne restons pas là.