28
février 2020
Rouvrir l’espace. Sur la table basse, des pots de fleurs et des babioles mettent au défi la porteuse de thé de déposer une théière, petite pourtant (la tienne est plus grosse, et dans ta chambre il n’y a pas de table basse, dans ta chambre il y a des pierres empruntées aux montagnes qu’il faut oser, elles aussi – les pierres ? – déplacer). Une théière, deux tasses, une table basse et des fauteuils crapauds de part et d’autre, au sein desquels vous tentez de vous asseoir en tailleur. Dehors il pleut, un peu de vapeur s’échappe du bec. Un miroir biseauté en face de toi renvoie ton image pour peu que tu te penches et te détournes du visage de Lucia, alors vous voilà côte à côte, semblant regarder dans la même direction, chacun souriant à une personne que vous aimez. Votre lieu de connaissance et de compréhension. L’amour vite prétendu est souvent sans amour, surtout si le désir s’en mêle (et comment ne s’en mêlerait-il pas ?) mais vous êtes au-delà, Lucia et toi, vous incluez de l’amour ce qui échappe à ses définitions et s’en trouve au plus proche. Elle aussi parfois est témoin de ce à quoi elle participe, la mort préside non moins que la vie, l’une et l’autre plus contradictoires que leurs respectives définitions. Tu te souviens à présent : aimer, ce serait comme expirer jusqu’au dernier millimètre cube d’air retenu dans les poumons, et dans un sursaut formidable renaître enfin.