5 janvier 2020
(9/n)
C’est dimanche, Lydia a préparé le petit-déjeuner pour sa fille
adolescente, ce rituel perdure pour encore combien de temps ? L’odeur des
croissants, des tartines grillées juste à point et de la confiture. Ma chérie, réveille-toi. Le jus d’orange
n’a pas d’odeur, quand Dana était plus petite c’était du chocolat chaud. La
confiture est inodore elle aussi, Dana se retourne sur le côté, s’étire. Les
yeux encore à demi-fermés, aux lèvres un demi-sourire. Lydia assise sur le lit
ne résiste pas à l’envie d’embrasser cette joue tiède, de respirer cette peau
si proche de la sienne, si identique et cependant autre, le miracle de cet être
magnifique issu de son ventre. Il lui semble pouvoir se remémorer chaque
instant des quinze dernières années passées ensemble et n’en avoir aucun besoin
tant que cela perdure. Dana est plus grande qu’elle, comment cela est-il
possible ?
L’après-midi elle se rend chez Ahmida, y retrouve Estelle, elles
prennent le thé, discutent de leur vie, rient beaucoup même quand il n’y a pas
vraiment de quoi. Ahmida a dû éponger une inondation dans sa cuisine suite à un accident de
dégivrage, le mari d’Estelle est rentré avec des écorchures sur les mains,
disant qu’il s’était fait agresser par des inconnus dans la rue. À Lydia, il
n’arrive pas de ces choses-là, souvent elle se dit qu’elle n’est pas
intéressante. Ou qu’elle est trop prudente ? C’est parce que toi tu écoutes les gens, lui a dit un jour Ahmida, ce n’est pas comme nous, on parle, on parle
et on perd la tête. Elle ne trouve pas qu’elle écoute davantage que ses
amies, d’ailleurs elle ne voit pas le rapport. C’est vrai qu’elle parle moins. Elle
ose moins. Mais elle regarde davantage qu’elle n’écoute et cherche le contact
oculaire. Ahmida a des lueurs dorées dans ses iris.