(...) Il a hésité à retirer les stickers "Joyeuses Fêtes !" avant de renoncer.
Mais il n’y a tellement toujours pas de clients que cela finit par s’imposer. C’est presque un acte de pitié, il ne sait trop envers qui, les riverains, les passants, lui-même ? Les lettres inversées lui montrent l’envers de leurs couleurs, et en transparence voilée il y a la rue grise. Il y a le week-end à venir dans ce quartier d’affaires où attendront en vain dans les boulangeries de service des galettes à la frangipane hors de prix. Qui pour supporter cela ? Il travaille au grattoir, ça résiste. Attire ainsi l’attention d’une femme qui demande si c’est ouvert, mais oui il s’empresse, stupidement complice ; elle lui dit qu’il a du courage, il répond que gratter réchauffe ; elle a un petit rire inoffensif, il lui propose un paquet cadeau qu’elle accepte ; il lisse le bolduc avec la lame d’une paire de ciseaux, Bonne année ! Pourquoi un paquet cadeau, pourquoi l’avoir proposé, pourquoi l’avoir accepté, cela n’a guère de sens, à moins que ce ne soit pour un anniversaire, ou pour une épiphanie. Il reprend son grattage, il y a une certaine satisfaction à enlever jusqu’au dernier petit relief de vernis collant. À la fin ne reste plus qu’une demi-après-midi avant la fermeture.