mercredi 21 avril 2021

Un étroit tapis de caisse

12 janvier 2020

(16/n)

Elle est en retard, Dana lui a envoyé le texto de rigueur, T où ? Dans le bus, Lydia a rappelé, J’arrive dans dix minutes, attends-moi. Qu’elles dînent ensemble, moyen d’éviter que sa fille avale en vitesse le genre de cochonneries que Lydia voit défiler sur les tapis de caisse et qui se retrouvent aussi dans leur frigo. En cas d’urgence. Pour dépanner. Elle n’est pas une experte en alimentation, simplement elle se méfie. Cet homme lui fait une drôle d’impression, on dirait qu’il cache quelque chose, c’est peut-être seulement sa timidité. Ou de la naïveté. Ou une stratégie. Elle ne sait pas trop quoi en penser. Le centre commercial se trouve à cinq cents mètres de son immeuble, inévitablement des gens la reconnaissent dans les rues de son quartier, certains l’arrêtent, elle a parfois l’impression d’être une célébrité. Comme doivent l’être la boulangère, le pharmacien. Elle aurait dû apprendre à ne pas les remarquer, faire semblant, comme derrière des lunettes noires. Cela n’a rien de glamour. Beaucoup de vieux libidineux. Lui c’est différent, pas uniquement pour l’âge. Il fait presque partie du supermarché pour elle, depuis ses débuts elle l’y a vu faire ses courses. Quelques mots échangés lors de ses passages en caisse. Il a l’air un peu triste. Elle n’a pas de place pour lui.