jeudi 1 avril 2021

Rien ne suffit jamais

29 décembre 2019

(4/n)
(photo : Jacques Bousiguier)

Rien ne suffit jamais. C’est une vérité qu’il a retenue de Charlotte – la sœur d’un musicien qu’il croisait parfois dans les bars de Ménilmontant, à l’époque il habitait encore chez sa mère. Une fille joyeuse (Charlotte) dont les yeux brillaient, qui lui faisait un peu peur, dont il ne comprenait pas ce qu’elle voulait, ce qui lui manquait, pourquoi cette énergie insatisfaite. Il ne la voit plus.

Il y a quelque temps il s’est retrouvé à une fête, dans l’appartement d’une amie d’amis qui n’en sont pas vraiment, plutôt des connaissances, il y avait un petit balcon où fumer mais déjà depuis l’intérieur, par la grande fenêtre du grand salon, on pouvait apercevoir dépassant des toits des immeubles d’en face le génie doré de la Bastille. Les ailes déployées – et la colonne de Juillet sur lequel il prenait appui était invisible. Nul besoin de se hisser sur la pointe des pieds. On ne le voyait pas depuis la chambre où un lit à deux places (au moins !) disparaissait sous un tas de manteaux. Les rares filles qu’il a invitées dans son réduit du septième ne sont pas revenues, il les avait prévenues, avait tenté de les dissuader de risquer l’ascension, avait cédé, ne souhaitant rien cacher.

Le magasin aurait dû fermer entre Noël et le Nouvel An, à peine quelques clients qui ne suffisent certainement pas à payer les charges fixes et son salaire. Mais ce n’est pas lui le patron. Pas lui qui décide. Son plan est de mettre assez d’argent de côté pour pouvoir tout plaquer et tenir, disons un an. Sauf qu’il ne conçoit pas de passer des journées entières dans cette chambre (il n’y tiendrait pas). Il lui faudrait déménager mais pour déménager il faut des fiches de paie. Réviser donc le calcul initial : déménager puis plaquer le boulot puis tenir ailleurs. Tel serait le nouveau plan.

Quelque chose cloche, bien sûr, une incompréhension à la base.