vendredi 14 février 2020

il y a des reflets verts dans la chevelure de la danseuse


14 mai

Tu as rejoint l’équipe et tout le matériel disposé sur la toile blanche du plateau, quatre cents sièges rouges rabattus attendent dans la pénombre. La lumière est crue encore, mais les projecteurs sont en place. Vous êtes neuf pour un solo. Il y a des reflets verts dans la chevelure de la danseuse. Une impatience sereine. Un désir. Soixante kilogrammes de brisures de riz vont être hissés à huit mètres du sol. Douze mille baguettes vont être disposées en parallélépipède. Et un vibromasseur à deux vitesses sera fixé sur un entonnoir. On y est presque, affaire de réglages. L’un de vous prononce le mot « interloqué », et tu as soudain la conviction de n’avoir jamais tracé tel assemblage de lettres, ni au stylo ni au clavier, peut-être même ne t’es-tu jamais dit interloqué, n’as-tu jamais émis l’hypothèse que quiconque fût interloqué. Il y a de la poésie dans cette lacune, voire ce manque d’expérience. Personne non plus ne t’avait jamais fait la remarque qu’il avait exactement dix ans de moins que toi, c’est étrange. On n’en tire aucune conclusion ouverte ou fermée. Sauf à penser que dix ans ce n’est rien, dans un sens comme dans l’autre cela passe, l’air de rien. Dans la rue tu ne sors pas ton portefeuille pour donner cinquante centimes à un jeune homme fatigué au regard franc, pourquoi ? Au café tu offres des bières hors de prix tout en sirotant un soda bon marché, en une compensation ahurie.