dimanche 23 février 2020

puis tu te retrouves un bébé entre tes bras


23 mai

Puis tu te retrouves avec un bébé entre tes bras. C’est une fille, elle est si jolie, sa petite bouche délicatement ourlée, ses yeux profonds et limpides. Elle ne te voit pas, à ce qu’on dit ; ce qu’elle distingue échappe à notre compréhension. Mais elle, comprend-elle avec une acuité inconcevable ce qu’elle commence tout juste à découvrir ? Tu serais tenté de le croire. Tu essaies de te souvenir, que voyais-tu quand tu regardais de même ? Des taches de couleur, des contours mouvants ? Faisais-tu seulement la distinction entre ce que tu voyais et ce que tu entendais (des vibrations ?), le goût du sein de ta mère, le doigt d’un géant que tu serrais dans ta main minuscule, les odeurs en farandole ? Ou bien sommes-nous tous, aux commencements, des êtres synesthésiques ? Dans le jardin tu ramasses la fleur d’un arbuste pour la porter à tes narines, immédiatement tu te souviens (mais c’est ton amie qui nomme le seringa). Elle apprend à nouer le tissu dans lequel porter son bébé, il fait encore frais quand le soleil disparaît derrière les hauts tilleuls. Tu humes l’ivresse, qu’une colombe lance son chant et tu seras projeté dans le jardin de tes grands-parents en bord de mer et tu seras redevenu un enfant à la vision temporelle limitée. La mère de ton amie appelle depuis le salon, elle demande qu’on l’aide à ouvrir en grand les portes-fenêtres. Après le thé tu repartiras comme tu es venu : bardé de tout ton savoir superflu.