Les enfants que l’on
persiste à faire venir au monde sont notre élixir d’innocence. Quelle vanité,
quel désespoir ! Nous sommes déjà fatigués de ce que nous sommes devenus,
nos parents nous inspirent une horreur honteuse. Nous ne croyons plus en nos
rêves mais nous gardons le souvenir de les avoir rêvés, et à cette ultime fidélité
nous nous accrochons, car sinon il serait fondé de sérieusement envisager le suicide.
Foutus pour foutus nous élevons nos enfants afin qu’ils nous pardonnent, et nous
leur suçons le sang. C’est le nôtre, après tout. Ils sont accommodants au début,
bien que passablement exigeants. On nous avait prévenus mais nous n’imaginions
pas à quel point il faudrait s’en occuper. Nous leur racontons des mensonges
plus ou moins sophistiqués, qu’on se refile sans y penser de génération en
génération. Nous les protégeons du mieux que nous le pouvons, des fois qu’ils
nous seraient enlevés. Cela, nous ne le supporterions pas ! Et puis,
inexorablement ils grandissent. Ils perdent leur innocence. Ils se gâtent, se
corrodent, deviennent aussi pourris que nous. Une nouvelle complicité de
coupables se fait jour. Le mépris est la plus réussie de nos réciprocités... Mais
qui es-tu donc ?