5 mars 2020
À la suite de Lucia tu as fini par découvrir que tu n’étais pas tes pensées, n’en déplaise à Descartes, non plus que ton corps, tu n’es pas dans ton cœur, ni dans ton ventre, pas plus que dans tes mains ou dans tes jambes, tu n’es pas le souvenir que l’on aura de toi, tu n’es pas l’image que l’on se fait de toi, tu n’es pas ta propre représentation d’un destin, tu n’es pas un homme, tu n’es assurément pas un salarié, tu n’es aucune de tes identités même s’il ne s’agit pas d’exclure les autres, tu n’es pas même ton ego. Tu n’es rien de ce que tu possèdes. Au plus près d’une vérité tu serais un souffle ou une vibration. Mais que d’incompréhensions, dès lors, avec celles et ceux qui ne veulent démordre d’une identité fixe ! Soyons donc des êtres humains, tentes-tu de transiger, mais cela leur paraît douteux. Ne vous réduisez pas, les exhortes-tu, et ils s’indignent. Je serais un parfum, suggérait Lucia quand tu refusais encore l’idée de dissolution de la personnalité, et quelque chose d’un grain de folie te semblait convaincant, à prendre exemple sur sa qualité d’être. Sans doute l’alternative au désespoir, illuminant Michaux alors qu’il se préparait un thé*. Il te semble que Lucia sait, depuis qu’elle a renversé l’évidence d’être "je". Quant à toi, il te reste encore à libérer tes identités gigognes et à ne plus vouloir, de quoi que ce soit, persuader quiconque.
* "Ne désespérez jamais. Faites infuser davantage."