21 septembre
Charlotte ne se satisfait pas de vivre à moitié. Pas question de conditionnel ni de futur : elle ne se satisfait pas, au présent de l’indicatif. Elle vous regarde pour vous mettre au défi de ne pas la décevoir, ne comptez pas vous en sortir avec un sourire. Tous ses amis ont passé le test, sinon ce ne sont que des gens qu’elle reconnaît vaguement, qui croient la connaître, ou non, elle s’en fout. Au mieux des partenaires occasionnels – de fiesta, de baise, de défonce. Rien à en attendre, nulle espérance. Ceux-là s’imaginent qu’elle est comme eux, embarquée dans une infinie dérive, mais c’est ne pas voir qu’elle est dénuée de tout cynisme et qu’elle a de plus hautes ambitions. Le manque d’espérance c’est autre chose, cela se situe ailleurs, vous comprenez ? Vous comprenez l’intensité de son regard ? Oh, laissez tomber. Elle vous plante là, elle s’en va à grands pas. Elle donne un euro à la famille exilée sur le trottoir, elle s’achète une pomme et un coca, en achète un second pour le gamin anémié qui fixe l’ouverture et la fermeture des portes vitrées. Elle prend une photo d’un coin de ciel sur son portable – c’est la 284ème de la série. Deux-cent-quatre-vingt-quatre jours dans cette ville depuis que Tonio y est mort. Ce n’est pas de la résignation : c’est de la rage.
[Charlotte avait déjà fait des incursions par ici, du 14 au 21 mars dernier. Cliquer sur le bleuté pour l'y retrouver ce premier jour, puis les suivants.]