vendredi 1 mars 2019

1er mars


                Les banquises fondent et les larmes coulent sur les joues de Binh-Dû. Autant profiter du vent glacé puisque l’enfer nous est promis. Les larmes au moins ne sont pas un divertissement, elles ne sont pas inépuisables non plus. Tu imagines qu’on soit heureux ? Tu imagines qu’on ne soit plus qu’un petit tas de poussière sèche ? Hé, toujours le mot pour rire !
                Les œufs pèsent dans l’estomac. (Hé, tu imagines être redevenu calcaire et qu’une poule te picore ?) Il se pourrait que l’histoire de ta vie t’apparaisse vaine et que tu doives choisir entre continuer à te la raconter et en vivre une autre. C’est toute ta philosophie du choix que tu ferais bien de reconsidérer, oui ! Et pour cela ouvrir porte et fenêtre ?
                Ils viendraient de loin, du pôle nord ou de l’équateur, ils seraient par définition des exilés. Ils apporteraient avec eux toute leur enfance, et encore un bout d’avenir. Ils auraient des patronymes qu’on pourrait mettre en case sur deux lignes, pas comme les chiens qui n’en nécessitent qu’une. On leur aurait donné des numéros, comme aux chiens.
                Mais surtout, ils auraient des choses à raconter ! Oh, pas nécessairement des histoires de voyage. Ni des tragédies. Ni des nostalgies. Ni du sexe, ni des espérances, ni des intentions. Mais ce qui les aurait traversés, et qui serait composé de tout cela et de plus encore. On se prendrait à les croire. On imaginerait les connaître, telles des personnes réelles.