Une
personne réelle est entrée au domicile de Binh-Dû, examiner ses papiers. On
pourrait en faire toute une histoire (et pour commencer, n’en pas dormir la
veille). On pourrait décrire l’homme, supérieur en taille, en poids et en barbe,
ses lunettes, on pourrait qualifier ses lunettes d’inquisitrices afin de
souligner le déplaisir occasionné par sa visite. À ce point, il conviendrait de
décrire Binh-Dû lui-même, sa situation, son contexte. (Quelle
transgression ! Il faudrait dès lors inventer un autre Binh-Dû.) Puis
ajouter les nuances non paranoïaques du réel.
Est-ce
cela que tu veux raconter ? Oui toi, la chambre d’échos. Ou, une fois
encore, préférerais-tu t’allonger sur le sable d’une île paradisiaque ?
Binh-Dû s’est peut-être trompé de planète puisqu’ici tout semble porter à la
conquête. Ou au dévoilement des mystères, ce qui n’est guère mieux. Ils veulent
posséder plutôt que jouir, ils n'ont qu'une toute petite idée de la jouissance. Qui ça ?
Binh-Dû se serait contenté d’une existence d’arbre ou d’animal préhensible ou
d’acteur pornographique. Il se serait contenté de respirer. Mais nous n’y
sommes pas prêts.