Était-ce l’oubli du corps ? Et d’un coup l’on se
souviendrait : en face, tout contre, il y a un corps, rien moins que cela, avec sa densité, sa dynamique, sa
consistance. Ses formes d’une beauté à pleurer, ses odeurs, la texture de sa
peau. Son goût, si varié selon les endroits approchés, la générosité de son
abandon. Il y a une vibration qui est pure musique, toujours étonnante. Il y a
des yeux qui posent un regard, où tout est dit de l’amour, où l’on est à
destination, enfin, prêts à poursuivre le voyage. Binh-Dû se souvient même de
ce qu’il n’a pas vécu. Il cherche des explications dont son ventre n’a cure –
le nombril de Binh-Dû le contemple, éperdu d’indulgence. D’exaspération tu
récrimines, mais tu es d’un autre espace-temps, semblable et improbable. Tu es
le cerveau d’un cerveau et tu voudrais lutter contre celui d’un abdomen. Alma
se tait mais ce n’est pas qu’elle n’ait rien d’intéressant à dire. C’est juste
que tout a déjà été donné à l’entendement de Corpus, et que le déni est une
perte de temps. Comme les mots tus sont doux ! Comme l’intelligence
rayonne ! Dans l’intimité des caresses, peut-être murmure-t-elle au diapason
des vagues ; et sur l’autre rive de l’océan, Binh-Dû, en adoration, tend
l’oreille.