Les
banquises fondent et les larmes coulent sur les joues de Binh-Dû. Autant
profiter du vent glacé puisque l’enfer nous est promis. Les larmes au moins ne
sont pas un divertissement, elles ne sont pas inépuisables non plus. Tu
imagines qu’on soit heureux ? Tu imagines qu’on ne soit plus qu’un petit
tas de poussière sèche ? Hé, toujours le mot pour rire !
Les œufs
pèsent dans l’estomac. (Hé, tu imagines être redevenu calcaire et qu’une poule
te picore ?) Il se pourrait que l’histoire de ta vie t’apparaisse vaine et
que tu doives choisir entre continuer à te la raconter et en vivre une autre.
C’est toute ta philosophie du choix que tu ferais bien de reconsidérer,
oui ! Et pour cela ouvrir porte et fenêtre ?
Ils
viendraient de loin, du pôle nord ou de l’équateur, ils seraient par définition
des exilés. Ils apporteraient avec eux toute leur enfance, et encore un bout
d’avenir. Ils auraient des patronymes qu’on pourrait mettre en case sur deux
lignes, pas comme les chiens qui n’en nécessitent qu’une. On leur aurait donné
des numéros, comme aux chiens.
Mais
surtout, ils auraient des choses à raconter ! Oh, pas
nécessairement des histoires de voyage. Ni des tragédies. Ni des nostalgies.
Ni du sexe, ni des espérances, ni des intentions. Mais ce qui les aurait traversés, et
qui serait composé de tout cela et de plus encore. On se prendrait à les croire.
On imaginerait les connaître, telles des personnes réelles.