samedi 9 mars 2019

9 mars


                Alma se soucie de savoir qui elle est, Corpus s’inquiète de savoir où. Les mers ont beau occuper sept dixièmes de la superficie terrestre, à moins d’être un poisson (ou un mammifère géant, ou un animalcule) on n’y fait que passer. Ils sont arrivés sur un nouveau continent, surpeuplé d’humains blanchâtres dont ils ne comprennent ni la langue ni les comportements. La plupart ne leur prêtent pas même attention, pressés comme ils sont. Peut-être, si Alma et Corpus parvenaient à se frayer un chemin dans la foule et à s’éloigner du rivage, seraient-ils moins bousculés, trouveraient-ils un lieu où réfléchir calmement à la suite du voyage.
                Alma sait qu’elle n’a pas rencontré Corpus par hasard, elle sait qu’elle lui permet de vivre par procuration ce à quoi lui seul n’aurait pas accès – et que la réciproque est tout aussi vraie : sans lui pour la tirer par le bras, sans sa colère croissante, elle aurait fini par être piétinée. Mais elle ignore si l’un de ces citadins exsangues est susceptible de la voir et de lui permettre à elle de le distinguer d’entre tous, est-ce une question d’insistance ? Est-ce une autorisation à se donner ? Corpus l’entraîne dans une ruelle en forte pente. De chaque côté les maisons semblent abandonnées, le sol est grossièrement pavé. En haut, on y verra plus clair.