16 juin
Elle ne sait jamais si le portique de sécurité va sonner
(pourtant elle devrait s’en douter, depuis le temps !), plus exactement
elle ne sait jamais à l’avance ce qu’elle va trouver dans son sac. Cette fois
c’est un agenda soldé, et le livre d’un auteur qu’elle ne lirait pour rien au
monde, c’est absurde, presque honteux, comment imaginer qu’elle ait voulu voler
une telle daube ? Le vigile ne partage pas son hilarité, alors elle
insiste, essaie de lui concéder qu’après tout, ça pourrait se comprendre si son
intention était de soustraire à l’achat un bouquin susceptible de contaminer
des lecteurs innocents, mais alors il y aurait du boulot, hein, ce seraient les
écuries d’Augias ! Le vigile n’a pas l’air de comprendre. Pourtant cet
auteur, là, il nous méprise tous les deux, il faut que vous le sachiez, on est
du même côté vous et moi, et lui c’est l’ennemi. Montrez-moi votre ticket de
caisse, mademoiselle. Décidément, il ne comprend pas... C’est un autre livre qu’elle
était venue chercher, et il ne se trouve pas dans son sac, pourquoi cette
substitution ? Elle se souvient qu’elle a payé avec un billet de dix et
qu’on lui a rendu des pièces, elle était étonnée que ce soit si peu cher. Sans
doute à cause de la démarque sur l’agenda, là ce serait cohérent. Mais elle n’a
aucun besoin d’un agenda en juin, ce qu’elle voulait c’était cet autre roman qu’elle ne
trouve pas. Charlotte protestera si bien
qu’elle ne paiera pas le livre infâme mais celui qu’elle désirait à la place –
et qui était plus cher ; en revanche, on ne lui reprendra pas l’agenda.