Je ne comprends pas ce qui m’arrive, je me suis réveillé
comme ça, tu me vois aussi ? Sylvelle se leva, contourna d’aussi loin que
possible l’autre assise sur son lit
et courut s’enfermer dans la salle de bains. Son reflet dans le miroir l’apaisa
quelque peu, tout était bien en place. Elle mit les mains en conque autour de
son visage, sentit la texture de sa peau, l’os des pommettes en-dessous, elle
posa ses doigts sur ses paupières un instant, respira son odeur. Son haleine
était saumâtre du matin mais c’était bien la sienne, Sylvelle fit couler de
l’eau, but, se rafraîchit le visage. Pas un bruit dans l’appartement, si
quelqu’un frappait à la porte elle en mourrait. Quand bien même ce serait
Jumien, redevenu lui-même.
Elle avait fait un cauchemar, il ne pouvait en être autrement.
Elle allait prendre sa douche, comme chaque matin, et elle irait rejoindre Jumien
qui était sûrement dans la cuisine en train de préparer le petit-déjeuner. Elle
ne savait pas quelle heure il était, mais ce devait être le moment. Puis elle
se rendrait à son travail et elle raconterait toute l’histoire à son amie
Sophiraphe pendant la pause déjeuner, elles en riraient. Sophiraphe était
toujours d’humeur joyeuse, sa seule évocation amena un sourire sur le visage de
Sylvelle, qui abaissa la poignée. La porte résista, Sylvelle avait oublié que,
dans sa frayeur, elle l’avait verrouillée. Toute inquiétude serait
irrationnelle, se convainquit-elle en passant la tête dans le couloir.
Personne.