Pas un bruit en provenance de la chambre. Non plus en
direction de la cuisine, nulle odeur de café ou de pain grillé. C’est là
qu’elle se dirigea pourtant. La grosse horloge accrochée au mur indiquait sept
heures un quart, elle était en retard. Non pas l’horloge, mais Sylvelle. Jumien
lui avait-il dit la veille qu’il pourrait dormir davantage ce matin ? En
tous les cas, il fallait qu’elle se dépêche, un ou deux toasts à la va-vite, un
jus d’orange et elle filerait attraper son RER. Elle se maquillerait dans les toilettes au bureau, ça lui arrivait. Juste le temps de s'habiller, prendre
ses affaires dans la chambre où Jumien dormirait encore. À la lumière du
couloir, porte entrebâillée, sans faire de bruit, sans ouvrir les rideaux.
Sans regarder ? Une masse informe sous la couette, du
côté de Jumien. Une chevelure blonde ébouriffée qui dépasse. Ce sont ses
cheveux, ceux de Sylvelle, elle se laisse glisser au sol contre le mur. Le
corps étendu dans le lit ne bouge pas, ne soulève pas la couette, serait-il
mort ? Ou elle ? Serait-ce mort ? Au bout d’un moment,
Sylvelle parvient à quitter la chambre, à quatre pattes, sans se relever
jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans le couloir. Elle doit s’appuyer contre les
murs, dans la cuisine elle cherche le long couteau à viande, ses doigts se
crispent sur le manche, un geste maladroit et elle se l’enfoncerait dans le
cœur. Elle s’en débarrasse en le jetant dans le tiroir, les couverts
métalliques tintent, elle se saisit d’une poêle.