Jumien s’adosse à la tête du lit, étonné de s’être rendormi.
Cette impression impossible à supporter, cela lui revient, il rouvre les yeux.
Le semi-jour traverse les rideaux d’un côté et la lumière du couloir entre par
la porte ouverte de l’autre côté. Sa poitrine se gonfle à l’inspiration, le
relief de deux seins compressés par son haut de pyjama. Une mèche de cheveux
lui barre les yeux, vite il porte une main entre ses jambes – la main de Sylvelle !
–, son sexe n’est plus qu’un triangle de poils, une fente doucement tiède, un
pli de chair bombé à son bord supérieur qui lui procure un frémissement
électrique inédit. Son sexe à lui a disparu, ce n’est plus là, il n’est plus
lui, Sylvelle l’observe dans l’embrasure de la porte.
Sylvelle... Tais-toi ! l’interrompt-elle d’une même
voix, le menaçant avec la poêle. C’est insupportable. Cet être chiffonné au
regard implorant, dans son propre lit. Comme si elle, Sylvelle, avait disparu
et s’observait de l’extérieur. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé, reprend
Jumien, je me suis réveillé comme ça. Ne commence pas à geindre, s’emporte
Sylvelle, c’est à moi aussi que cela arrive, tu n’imagines pas ! Mais toi
tu es toujours la même... Je suis deux fois la même, tu crois que c’est facile à
vivre ? De rage, Sylvelle donne un coup sur le mur avec la poêle. Sûrement
quelque chose s’est cabossé sous le choc, la poêle ou la peinture sur le mur.
Tu me dégoûtes, crie-t-elle en quittant la pièce. Mais c’est toujours moi, à
l’intérieur ! plaide en vain Jumien.