9 septembre
Elle rêve qu’elle traverse la place de la Concorde dans un taxi, le chauffeur lui raconte l’histoire de la femme de Gabin, montée à Paris pour l’accompagner quand il est devenu acteur. « Elle était dotée d’une si bonne vue qu’on l’appelait ‘Compte-fils’, Gabin avait plein d’aventures, au cours d’un entretien vers la fin de sa vie elle a répondu à un journaliste – et là il prend une voix de fausset : "C’était humiliant si vous le dites, mais la vie était fantastique !"» Charlotte lui demande de répéter, c’est saisissant, on dirait la voix d’une actrice de cinéma des années 40. Elle l’imite à son tour, infiniment, sans se lasser, C’était humiliant si vous le dites / Mais la vie était fantastique ! Ils sont toujours sur la place de la Concorde au petit matin, ils tournent autour de l’obélisque, il n’y a presque pas de circulation. Et puis elle rêve encore : d’un plasticien qui construit des cabanes éphémères dans les arbres. « Cela fait trente ans que je sors des poissons de la mer pour les disposer à la verticale », explique-t-il. Elle croit comprendre. Elle ramasse une bouteille de verre pour la renvoyer vers le vagabond perché qui l’avait jetée sur elle. Elle croit comprendre, et au réveil il lui apparaît que ces deux rêves sont un message d’alerte, à elle adressé. Elle ne fait jamais de rêves comme ça. Est-ce encore l’effet de la MDMA ? Et si on lui avait refilé quelque chose de plus fort, elle s’en serait rendu compte, non ? Et si elle ne redescendait pas ?